lundi 29 décembre 2014

L'analyse transactionnelle

« Ce qui se passe dans l’intervalle, entre bonjour et au revoir, relève d’une théorie spécifique de la personnalité et de la dynamique de groupe, qui est aussi une méthode thérapeutique, connue sous le nom d’analyse transactionnelle ». 
(Éric Berne – Que dites-vous après avoir dit Bonjour ?)

                 
                                                        Berne en 1943 avec sa femme Ruth


Élaborée par le médecin psychiatre Éric Berne L’Analyse transactionnelle a influencé maints domaines des relations humaines, surtout dans le domaine des communications et, en raison de sa pertinence et de son originalité, a largement inspiré d'autres disciplines comme l'École de Palo-Alto, la Process Communication ou la Gestalt.  On a pu dire ainsi que l'Analyse transactionnelle représente à la fois de part son étude des échanges, une théorie de la communication,  de part son aide à la personne, une théorie de développement personnel et, de part une compréhension de la relation, une théorie de la structure et de la dynamique des groupes et des organisations.

La théorie de la communication repose en particulier sur les concepts d'États du moi, de transactions, de structuration du temps, de jeux et de positions de vie, tandis que celle de développement repose sur les signes de reconnaissance, les notions de scénario, de jeu et de symbiose, l'opposition entre passivité et autonomie.

   Les jeux psychologiques 

L’Analyse transactionnelle permet (entre autres) d’évaluer les différents rôles qu’un individu joue au cours de sa vie. On peut penser qu’ils peuvent dépendre en partie des circonstances, ce qui est rai, mais l’essentiel au-delà des événements auxquels la personne est confrontée, repose sur des invariants qui sont le fond même de cette personne, sa relation ontologique avec son milieu.  

C’est donc notre personnalité profonde qui s’exprime dans telle ou telle occasion -plus ou moins consciemment- et dont on peut évaluer un certain nombre de profils qui la caractérise.

Selon la théorie de l'Analyse Transactionnelle, nous pouvons nous trouver tour à tour à jouer le rôle de trois types de personnages appelés "Parent", "Adulte" et "Enfant" et être alors dans un rapport de domination, d'échange ou de soumission, laisser parler librement nos émotions ou au contraire les garder pour soi, les intérioriser. On parle parfois de spectacle et ce qui se passe, les rapports relationnels établis, peuvent être mis en lumière à travers des saynètes  (ou des sketchs) où les participants portent différents masques, selon la situation et en suivant un script formel.


Le triangle de Karpman
Cette figure d'analyse transactionnel met en  exergue un scénario relationnel entre trois personnages appelés victime, persécuteur et sauveur, chaque personne pouvant d'ailleurs changer de rôle.
Par exemple, P (le Persécuteur) dit à B (le Bourreau) : « Tu devrais avoir honte de refuser de manger ces bons légumes que grand-père s'est échiné à cultiver. » Dans ce cas, V la Victime désignée (le grand-père) n'apparaît pas en tant que telle, seulement évoquée par le Persécuteur et le bourreau est en fait le souffre-douleur du persécuteur.

      

LES  ÉTATS DU MOI
« Le terme « état du moi » veut simplement désigner les différents états d'esprit et les modèles de comportement qui y correspondent, tels qu'ils se présentent à l'observation directe, et il permet d'éviter au départ l'emploi de constructions théoriques telles que « pulsion », « surmoi »... L'analyse structurale se contente d'affirmer que l'on peut classer et décrire avec précision de tels états du moi et que cette façon de procéder « va bien » ... »
Éric Berne – Analyse Transactionnelle et Psychothérapie
LE PARENT
Il représente la figure tutélaire, représentant l'autorité, au comportement nourricier, porteur de jugements de valeur. On distingue le Parent Normatif  dépositaire de la norme et de la loi, le Parent Persécuteur qui applique les règles de façon très autoritaire, le Parent Nourricier qui soutient et encourage, et le Parent Sauveteur qui veut aider mais risque d'étouffer.

L'ADULTE
Selon Éric Berne, c'est « l'état du moi, dans lequel la personne examine objectivement son environnement, en calcule les possibilités et probabilités sur la base de l'expérience passée ». (logique, rationalité)

L'ENFANT
Toujours selon Éric Berne, « Tout être humain porte en soi un petit garçon ou une petite fille qui pense, agit, parle, s'émeut et réagit exactement de la même façon que lorsqu'il était un enfant ». On distingue  l'Enfant Libre, créatif, indépendant et spontané, l'Enfant Adapté soumis qui suit les règles et les normes sociales, ou l'Enfant Adapté Rebelle qui s'oppose aux lois et aux normes vécues comme injustes, et l'Enfant Rebelle qui s'oppose aux règles imposées et qui recherche des signes de reconnaissance à travers le conflit.
(État siège des émotions : joie, tristesse, colère, peur)

Les interactions entre états du Moi génèrent des transactions parallèles, de même niveau, Parent/Parent par exemple, de type « les jeunes ne veulent plus travailler », « oui, c'est la faute du chômage, » des transactions croisées, par exemple Enfant/Adulte dans cet échange « j'aime travailler avec toi », « encore faudrait-il travailler, » des transactions cachées quand ce qui est exprimé cache des non-dits relevant du vécu ou du ressenti, des transactions tangentielles qui ou attitude de fuite ou d'évitement.

Dans les différences essentielles entre ces transactions, on observe que tant que la transaction demeure parallèle, la communication continue mais en transactions croisées, la communication change de type et les transactions cachées engendre des jeux de communication.

  

JEUX de COMMUNICATION et TESTS

L’objectif est de comprendre ces jeux de communication –ce qu’on nomme "transactions" en Analyse transactionnelle- les analyser et décrypter les comportements sous-jacents à travers ce qui est exprimé (dit ou éprouvé) et les non-dits, ce qui permet un retour sur soi-même et de remettre en cause sa façon de penser ou ses stéréotypes, de toujours refaire les mêmes erreurs psychologiques Mieux se connaître à travers les Autres (savoir comment ils nous perçoivent), à travers des intervenants spécialistes en Analyse transactionnelle  permet de revivre les mêmes scénarios relationnels dans son couple, sa famille ou son travail.

Sans entrer dans les techniques utilisées en Analyse transactionnelle, on peut retenir dans une première approche les quatre tests les plus utilisés en la matière : l'Égogramme, l'Énergogramme, les Messages Cachés, la Position de Vie qui permettent de dresser un « Profil-type » de la personne, qu’il vaut mieux valider par une autre batterie de tests qui comprend en général plusieurs séries d’items.

  A quel jeu jouez-vous ? Bernadette et Bernard
Voici comment peut se dérouler un jeu entre Bernadette et son mari Bernard : [1]
Bernadette - Bon… eh bien j’ai tout rangé toute seule puisque tu étais encore au téléphone…
Nous avons là un bon mélange de Victime tout d’abord, puis de Persécuteur ensuite, avec un reproche sous-jacent, et 3 appâts facilement identifiables.
Bernard - Rhooo !! C’est pas possible !! Si seulement « Madame » était capable de patienter 5 minutes, j’aurais pu venir l’aider !
Bernard a mordu à l’hameçon, il répond alors en tant que Persécuteur à son tour, en semant de nouveaux appâts, sur lesquels se jette Bernadette :
Bernadette – 5 minutes ? Non mais tu plaisantes ? Ça fait une heure que tu discutes moteur avec ton collègue ! (Persécuteur) et moi, je rentre crevée après une journée éreintante au boulot, et je me coltine tout… (Victime)
Bernard – Et oui, j’ai toujours eu tous les défauts du monde de toutes façons… mais c’est pas nouveau : ici ou au boulot, personne ne se met à ma place… (Victime) Allez, bon, puisque c’est comme ça, prend ton manteau, je t’emmène au resto ! ça te va ? (Sauveur)

Résultat : Bernadette n’a pas exprimé ce qu'elle voulait (souhaiter passer plus de temps avec son mari par exemple); elle sort donc du jeu frustrée, insatisfaite. Bernard, agacé, a rompu le jeu en se posant en Sauveur, mais rien n’est arrangé pour lui non plus…

1- 
L'ÉGOGRAMME permet d'appréhender la structure de votre personnalité selon trois "États du Moi" :
  • le "Parent", qui concerne les règles, les normes, les valeurs ;
  • l'"Enfant", qui concerne les émotions, la créativité, l'intuition ;
  • l'"Adulte", domaine de la raison, de la réflexion, de l'analyse.
Il indique comment la personne répartit son "temps de parole" entre les trois états de base de la personnalité.

     
Exemple d'égogramme                                    Les combinaisons Parent-Adulte-Enfant

2-  L'ÉNERGOGRAMME (test des attitudes)

Il  intervient juste après l'Égogramme, le prolongeant et permettant une plus fine analyse du comportement de la personne, des  "stratégies" qu’elle privilégie dans un contexte relationnel donné.
L'Énergogramme est donc un moyen d’examiner les façons qu’elle adopte pour se comporter comme ceci ou comme cela dans telle situation précise définie par les tests.

3- LES MESSAGES CACHÉS
( tests sous forme QCM de type "Dans cette assertion, je me reconnais/pas du tout") 
Ce que nous disons, nos messages verbaux, contiennent des postures de reproduction inconscientes, qu’on appelle souvent des stéréotypes, qui formalisent nos réactions, qu’on reproduit donc sans s’en douter, en obéissant à des injonctions personnelles qui sont d’autant plus marquées qu’elles se produisent dans des moments difficiles ou en période de stress. 

La communication masquée

Parmi ces messages dont le fréquence est importante, on trouve souvent par exemple, « fais-moi plaisir », « sois fort », fais des efforts », « peut mieux faire », dépêche-toi », « tiens-toi correctement »

4- LES POSITIONS DE VIE
Dans les situations relationnelles que vit la personne, son comportement est déterminé par l'image qu'elle a d'elle-même et des autres. Ce "rapport à autrui" peut revêtir plusieurs formes selon l'idée plus ou moins positive qu'elle a d'elle-même et des autres.

Ce sont ces différentes "Positions de Vie" [2] qui sont testées à travers les situations vécues que proposent les tests et les mises en situation. Les tests par exemple permettent en général pour chaque situation exposée, de définir la fréquence des réactions de la personne.

En général on compte huit catégories qui permettent de sérier les principales positions de vie : Style de commandement  --  Approche des problèmes  --  Vision des conflits  --  Attitude face aux règles, à la hiérarchie, en groupe  --  Réaction à la colère  --  Humour 

                                    

5- LE PROFIL-TYPE
Il est la résultante des informations consolidées, une synthèse qui offre un panorama des tendances de la personne. 



LES TYPES PSYCHOLOGIQUES
Le psychiatre suisse Carl Jung et ses successeurs ont travaillé sur les préférences qui ordonnent le comportement à partir d'une typologie des personnalités. Chaque type ainsi défini a priori par les auteurs du modèle, représente un type pur, différent de la réalité qui se situe le plus souvent entre deux de ces types.

Cette typologie repose sur des tests qui permettent d'analyser les éléments sur qui repose la personnalité et qui conduisent au type psychologique. Ils vont souvent, comme le test dit MBTI, [3] par paires de propositions contraires qui permettent plusieurs chois intermédiaires, comme dans l'exemple ci-dessous :

Les Items 1 à X   1 2  3  4  5 6
Je préfère être au calme et réfléchir tout seul.Je préfère être actif(ve) avec les autres

LES FONCTIONS PSYCHOLOGIQUES
Les fonctions psychologiques ou processus mentaux sont, chez Carl Jung, au nombre de quatre :
  • la sensation (faculté à se "placer dans" et à percevoir le présent) ;
  • la pensée (ce qui concerne l'intellect) ;
  • le sentiment (ou évaluation affective) ;
  • l'intuition (ou évaluation globale).
Ces quatre fonctions se répartissent en deux grands type d'activité :
- Recueillir de l'information ou Perception P, en faisant appel soit à l'INTUITION (notée N), soit à la SENSATION (notée S);
- Traiter cette information pour aboutir à des conclusions ou JUGEMENT J, en faisant référence soit à la PENSÉE (notée T pour thinking), soit au SENTIMENT ou RESSENTI (noté F pour feeling).
Toujours selon Jung, la perception est dominée par une fonction cérébrale logique faite de sensations mais peut aussi faire appel à  fonctions moins cognitives liées à l'intuition.

Pour rechercher la fonction dominante, la distinction doit être effectuée entre les types irrationnels (Perception) et les types rationnels (Jugement). Dans le premier cas, c'est la perception (sensation ou intuition) qui est extravertie (type P ou AdaPtabilité) tandis que dans le second cas, c'est le Jugement (type J, pensée ou sentiment) qui est en cause.

S - Sensation 




N - INtuition 
Je m'intéresse aux faits.Je m'intéresse à la signification.
T - Pensée 




F - Ressenti 
Je suis tourné vers le but à atteindre.Je me demande si c'est bien ou mal.
J - Organisation et 
Jugement 





P - AdaPtabilité 
J'aime que tout soit en ordre.Le désordre ne me dérange pas.

En appliquant les 2 axes Extraverti/Introverti de l'énergie (E, I) aux processus mentaux notés N, S, T et F, Jung a défini 8 fonctions cognitives réparties entre extraversion et introversion :

   Les fonctions psychologiques

Témoignage d'une infirmière d'un centre de soins
 
      « L’analyse transactionnelle est un outil précieux en maison de repos. Dans nos relations avec les résidents, nous pouvons parfois être entraînés dans une transaction Parent-Enfant. Si certaines personnes âgées y trouvent un confort, d’autres se rebellent.

Cette façon de se comporter est souvent rencontrée dans les relations que le personnel entretient avec les patients souffrant de démence. En effet, le comportement des résidents confus peut rappeler le « Moi enfant » et nous faire entrer dans une transaction Parent-Enfant. C’est ce genre de relation qui amène à entretenir des comportements infantilisants avec les personnes dépendantes.
Nous devons être attentifs à maintenir une relation Adulte-Adulte chaque fois que nous trouvons une opportunité y compris et peut-être surtout avec les patients confus et désorientés.

Dans les relations avec le personnel, le style de directeur que nous sommes influencera très fort le type de relations que nous entretenons avec les autres personnes de l’entreprise. L’impact d’une direction autoritaire (relation Parent-Enfant), fondée sur des relations de pouvoir réduira les contacts vrais et les communications saines. Le personnel qui se réfugie dans son Moi-enfant, pourra aller jusqu’à dissimuler les problèmes et mentir pour camoufler ses erreurs. Le pouvoir (Parent) ne peut qu’engendrer ressentiment, hostilité (Enfant) car, pour être efficace, celui-ci exige la crainte et la dépendance de la part des autres et éloigne toute relation amicale.

En s’abstenant d’entrer dans une transaction Parent-Enfant au pouvoir coercitif, on permet à l’autre de satisfaire non seulement ses besoins mais également les nôtres car le pouvoir nuit autant à celui qui le subit qu’à celui qui l’exerce. Exercer trop de pression sur une équipe de travail entraîne rébellion et résistance, les punitions et les récompenses sont inefficaces comme stimulation de la motivation. Par contre, nous l’avons vu plus haut, les signes de reconnaissance positifs sont aussi utiles que nécessaires. D’autre part, le laxisme, attitude du Moi-Parent (permissif) ne donne que des résultats médiocres et un sentiment de « lâcher prise » inapproprié.



Une participation active et consciente de la part de tous les intervenants dans le processus de communication nous permet d’avoir des relations fructueuses dans les deux sens. De ces bonnes relations dépendent la réputation de notre entreprise, sa réussite parfois même, sa survie… »
S. GOFFIN


Notes et références
[1] Le guide du mieux-être
[2] Les positions de vie
Je suis OK, vous êtes OK (++) : la meilleure relation
Je suis OK, vous n'êtes pas OK (+-) : mépris, supériorité
Je ne suis pas OK, vous êtes OK (-+) : sentiment d'infériorité
Je ne suis pas OK, vous n'êtes pas OK (--) : position de renoncement
[3] Pour plus d'informations, voir Le modèle MBTI
 
Données complémentaires
* Voir le site Psychosociologie-Pédagogie : Relations humaines  

<< Christian Broussas - L'A.T. - 29/12/2014 - •  © cjb © • >>

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